Même si l’on n’ avait qu’une vague idée de cette affaire qui défraya la chronique dans les années cinquante, il est certain qu’en refermant les 700 et quelques pages de ce récit, on n’est pas prêt d’oublier ce drame. Et tout cela grâce au talent de Philippe Jaelana, qui, avec un acharnement à la hauteur de celui des charognards qui ont démoli torchon après torchon la moindre chance que la jeune femme s’en sorte.

On hallucine sur la légèreté inouïe de l’enquête, la détermination sans faille de la partie civile de prouver que l’on a affaire à un monstre, et l’acharnement de la presse qui colporte rumeurs et suppositions et se nourrit de ses propres mensonges pour noircir le tableau et démolir l’accusée. Même sans trouble de la personnalité , qui pourrait se relever un tel lynchage?

Certes, elle a tué son amant. Certes l’auteur est entièrement dévoué à sa cause. Mais tout de même, on est estomaqué par ce que l’on lit. Quand Pauline prétend qu’elle est maudite, on la croirait presque. Un père froid qui, alors qu’elle est toute jeune, lui conseille de se suicider pour rester digne devant l’échec.

Philippe Jaenada fait un vrai travail d’analyse. Il retourne chaque pierre, étudie chaque échange, reconstruit les faits, épluche les témoignages. Ce faisant il donne une piètre image de la justice française de cette période).

Justement parlons-en de la période : la France sort de la guerre qui a fait bien des victimes, et qui n’a pas contribué à mettre en valeur la grandeur d’âme de nos concitoyens. Et l’affaire semble concentrer la rancœur qu’a le peuple à l’égard de ses propres ignominies.

Enfin et c’est sans doute ce qui lui vaut cinq étoiles : c’est un récit drôle, malgré la noirceur de l’histoire ! Ici le ton est très ironique, vis à vis des professionnels qui ont précipité Pauline vers sa fin cruelle. Philippe Jaenada n’épargne pas les hyènes et les vautours.

Et ce ton, drôle , décalé, irrespectueux est justement ce qui constitue le plus bel hommage que l’on puisse faire à la coupable (ou victime ?).

Cette liberté d’écriture et d’opinion est réellement réjouissante.

Samuel Mayol