Un jour, le jour des élections présidentielles, il est contraint de quitter son appartement dont il ne payait plus le loyer depuis des mois. Chômeur, reclus, il commence à vivre dans sa voiture. Peu à peu, il se détache de sa vie d’avant et se marginalise.
Pas d’adresse, pas de téléphone, il n’existe plus. Il entre alors, excité et plein de rêves, dans une nouvelle vie, celle qu’il appelle « l’intervalle ». Il parcourt le XXe arrondissement de Paris où il rencontre des gens, des artistes, des signes, qui peu à peu, forment un tout, forment l’envers de la société.

Jusqu’au jour où il croise le Renards pâles, c’est alors que tout bascule…

Comme toujours chez Haenel, un plan audacieux : on pose le problème en plusieurs petits chapitres courts, puis on développe d’un seul et long trait.

Comme dans une Révolution, où plusieurs petits incidents donnent naissance à un grand souffle dévastateur et fondateur.

Et ça tombe bien, puisque c’est de Révolution qu’il s’agit, celle que vous ne voyez pas, que vous n’entendez pas, et qui a pour catalyseur l’extrême pauvreté, le sort des sans-papiers en France, la mort de deux immigrés.

Et tout s’embrase, vos voitures brûlent, dans cette société qui ne voit plus, qui n’entend plus, et dont la devise est devenue, selon Haenel : « Surdité, surdité, surdité ».

Les émeutes de 2005 seraient-elles déjà oubliées ?

Attention, tout peut s’embraser à nouveau, se dit-on en lisant ce magnifique roman qui consacre Haenel comme un des grands auteurs actuels. Une ode aux vertus sacrées de l’Afrique, une peinture sobre des désenchantements de notre société, la vie telle que vous ne la voyez pas, celle des sans-abris, des expulsés, des privés de tout.

Samuel Mayol