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Comme à chaque vacances, je lis les livres que mes garçons ont à lire dans le cadre de leur scolarité. Il s’agit donc de Manon Lescaut, livre incontournable de la littérature française.

Quel étrange paradoxe. La tradition a retenu pour titre Manon Lescaut alors que l’auteur l’avait intitulé, certes un peu longuement, Histoire du Chevalier Des Grieux Et de Manon Lescaut.

Paradoxe en ce sens que l’auteur place en premier le chevalier et que c’est effectivement lui le personnage principal, et que la belle Manon, personnage clé, il est vrai, n’est que le personnage secondaire. On a bien retenu Tristan ET Iseult, Roméo ET Juliette. Pourquoi pas des Grieux ET Manon Lescaut ?

Bref, vous aurez compris qu’il s’agit d’une histoire d’amour, que le mot du titre  » histoire de  » suggère un récit romanesque, celui-là même est à la première personne.

Pour ce qui est du contenu, l’abbé Prévost décrit « les infortunes de la vertu », où notre chevalier est un preux chevalier, par contre, sa dulcinée, sans être une nymphomane, aime un peu trop le confort et le luxe pour accepter stoïquement son sort lorsque sa bourse est vide.

N’ignorant pas ses atours, la belle Manon, n’hésite jamais à faire crépiter le cœur d’un riche mécène quitte à faire rugir de jalousie le brave des Grieux.

Celui-ci emploie donc toute sa chevalerie pour faire échec aux amants et récupérer sa frivole amante. Les riches souteneurs bernés ont souvent le bras assez long pour créer des embarras au malheureux couple, lesquels embarras se traduisent souvent par des séjours en prison, lesquels séjours appellent à leur tour des évasions rocambolesques.

Notre pauvre chevalier, tiraillé entre un amour immodéré pour la belle Manon et les appels du pied de la morale ne sait trop quelle conduite tenir et récolte moult mésaventures à vouloir s’accrocher à sa venimeuse amante.

Le tour de force de l’auteur réside dans le fait qu’il parvient à nous rendre Manon très attachante, car, bien que notoirement infidèle, elle n’en est pas moins amoureuse de son chevalier et présente par moments une noblesse de caractère indéniable.

D’un point de vue de l’histoire de la littérature, cette œuvre marque indéniablement quelque tournant car la morale est particulièrement maltraitée avec ces deux amants qui, épris de liberté, transgressent tous les codes de la société de cette époque

Passant tour à tour, et du jour au lendemain, de la fortune à la misère, du boudoir à la prison, de Paris à la déportation, de l’exil à la mort, des Grieux et Manon n’ont qu’une excuse : l’amour, ce sentiment qui fait oublier que tous deux mentent et volent, que le premier triche et tue ou que la seconde se prostitue.

C’est ainsi que Montesquieu comprend, peu après sa publication, le succès de ce roman : « J’ai lu le 6 avril 1734, Manon Lescaut, roman composé par le P. Prévost. Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon et l’héroïne une catin qui est menée à la Salpêtrière, plaise, parce que toutes actions du héros, le chevalier des Grieux, ont pour motif l’amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse ».

Le roman a d’abord scandalisé, et a été interdit de publication. On se plaignait que de mauvaises conduites ne fussent pas assez clairement condamnées, mais semblassent justifiées par le sentiment de l’amour. Beaumarchais (1731), puis surtout Pallissot (1767) et Sade en feront cependant l’éloge ; le troisième admire la façon dont l’abbé Prévost a maintenu constant l’intérêt du lecteur pour le sort de Manon (peinte, dit-il, avec tant de naturel), et fait d’elle le précurseur de la Julie de Jean-Jacques Rousseau.

A titre personnel, j’ai adoré ce roman que je recommande vivement.