Après la vraie vie, Adeline Dieudonné autopsie une douzaine de solitudes qui fuient leur existence et se retrouvent par une nuit d’été dans une station-service.

Lieu impersonnel qui brasse toutes les classes sociales qui ne se distinguent que par les cylindrées, croisée des chemins de transhumance et point de transit pour faire le plein et le vide, cet espace hors du temps ne manque pas de romanesque. Un tableau à la Hopper.

D’un livre à l’autre, Adeline Dieudonné n’a pas perdu son goût pour la férocité et l’humour

Il y a Joseph, Alika, Juliette, Sébastien, Chelly, Red Apple (un cheval qui se révèlera être le plus humain de la bande). Et il y a les autres. Que des farfelus qui trainent une flopée de traumatismes et que la station-service va réunir le temps d’un mauvais café, d’une pause pipi ou d’un coup de pompe.

Derrière cette galerie de portraits de dominants et de dominés, la romancière décrit l’humanité comme une jungle où les lions dévorent les gazelles. La loi du plus fort. Adeline Dieudonné a la prose impitoyable. La liberté se gagne à coups de griffe et l’égalité n’a rien de génétique. Juste une déclaration.

A mi-chemin entre le roman et le recueil de nouvelles, Kérozène est un très agréable moment de lecture qui confirme le talent de la jeune autrice. La fin est un peu décevante mais finalement laisse cours à notre imagination

Samuel Mayol