
Il y a trente ans, le narrateur s’était vu confié une enquête par l’agence de détectives qui l’employait : il s’agissait de retrouver une jeune femme disparue. Ses recherches avaient alors tourné court, et voilà que soudain, si longtemps après, cette affaire resurgit à sa mémoire et l’incite à la reprendre là où il l’avait laissée.
Construit comme une esquisse qui s’éclaircit à mesure des touches de lumière apposées peu à peu par l’auteur, le texte nous fait errer dans les limbes des souvenirs et non-souvenirs du narrateur, en quête des détails du passé qui lui permettront enfin d’élucider cette affaire de disparition.
Les thèmes chers à Patrick Modiano sont bien au rendez-vous : la disparition, la recherche d’identité, l’amnésie, le retour vers un passé énigmatique, les secrets, la mémoire…
Mélancolique et subtile, cette jolie réflexion sur la mémoire et le temps qui passe sans jamais disparaître tout à fait, est un petit bijou littéraire, où l’esquisse et le non-dit donnent tout son relief au texte.
Tout le roman repose sur l’idée que le présent est le résultat de notre passé et influencera lui aussi notre futur. Cette trame qui modèle notre vie à notre insu, en un invisible filigrane, est comme écrite à l’encre sympathique : les fils en sont cachés par une foule d’éléments parasites, déformés par notre mémoire, mais il suffit d’un rien pour qu’ils resurgissent soudain à notre esprit, révélant soudain à quel point ils nous ont construits et menés à notre vie d’aujourd’hui. Mais a-t-on vraiment intérêt à toujours tout comprendre ? Ne risque-t-on pas, en la perçant à jour, de rester prisonnier de cette forme de prédestination ?
Cette « encre sympathique » est une belle métaphore, poétique, presque métaphysique à certains endroits, hors du temps.
Menée comme une enquête policière, j’ai aimé cette déambulation mélancolique au-dedans de nous-même, qui est une promenade bien plus que sympathique, elle est furieusement jubilatoire.
Je me suis laissé séduire par la plume de Patrick Modiano, par sa quête du souvenir, de ce passé qui a modelé notre présent et qui inexorablement annonce notre futur. Un très beau texte qui ravira les inconditionnels et séduira les profanes.