(J’ai demandé à mon fils Valentin (13 ans) de lire un livre d’un auteur de la littérature « classique » cet été. Et afin de pouvoir en parler avec lui je me suis pris au jeu de le lire aussi.)

Nous avons choisi « vipère au poing » d’Hervé Bazin.

J’avais dû lire ce livre pour la première fois il y a 35 ans maintenant.

Son héroïne, Folcoche, marâtre rusée, calculatrice, haineuse, pétrie de mauvaise religion, au corps sec comme une trique, est à ranger au musée des horreurs.

Ce livre, c’est l’histoire d’une France qui n’existe plus, tombée aux oubliettes dans les fracas de la seconde guerre mondiale. C’est la France de cette vieille noblesse mélangée, pour le meilleur et pour le pire, à cette grande bourgeoisie provinciale, les deux se rejoignant dans leur insupportable arrogance, les deux ayant les mêmes doigts crochus quand il s’agit de défendre leurs petits privilèges, les deux recroquevillés dans leurs manoirs branlants sans voir la marche du monde. C’est la France de Charles Maurras, quand la troisième République s’effondre comme un château de cartes face aux légions nazies.

Ce livre, c’est l’histoire d’une famille qui sent confusément que les valeurs qu’elle véhicule vont disparaitre, que leur heure est comptée.

Un père veule et insignifiant, des percepteurs au rabais qui préfère fuir en courant ou regarder distraitement ailleurs… Personne pour empêcher la sorcière Folcoche de régner en Maitre absolu sur le domaine de la « Belle Angerie », et d’humilier de la plus épouvantable manière ses propres fils : Chiffe, Cropette, Brasse- bouillon. Coups de fourchettes sur les mains, surveillance continuelle, mentalité́ de la méfiance érigée en dogme, cranes tondus, déshabillage des consciences… Abaissements, Vexations… rien ne leur sera épargné. Et tout cela au nom de la bien-pensance chrétienne.

Le seul à relever la tête face à la dictature de Folcoche sera Brasse-bouillon, notre narrateur. Plus dur que ses deux frères, plus malin, plus endurant, sa jeunesse finira par la vaincre. Avec un certain plaisir cynique, il se rendra compte en même temps qu’il lui ressemble en tout point avec sa haine et son mépris plantés dans le cœur. Son premier acte d’homme sera d’ailleurs de se moquer et de faire pleurer une pauvre fille. Écœurant, gratuit, et en même temps tellement prévisible.

A lire ou à relire car ce livre est simplement Magistral.

Samuel Mayol